Overland track

Dans le patoi local (du Grésivaudan, pas de la Tasmanie), tesson (ou teysson) signifie blaireau. Malgré la réglementation très stricte concernant l'importation d'espèces exogènes en Tasmanie, j'en ai fait venir un. Après deux ans à travailler dur et la soutenance de sa thèse, mon docteur de frère vient me rejoindre pour deux semaines de remise en forme et d'évasion. Les horaires matinaux des bus pour traverser la moitié de l'île ne laissent pas le temps à Dr Tesson de rattraper son décalage horaire.

Pour la partie remise en forme, nous avons programmé une traversée de six jours en autonomie de refuge en refuge, l'Overland Track. La pluie tombe gaiement à l'horizontal à notre descente du bus comme pour célébrer notre arrivée. Le temps de signer le registre du parc, un énorme corbeau s'attaque à mon sac que j'avais posé contre un arbre, les auspices favorables s'accumulent...

Au départ, le chemin de planches remonte un vallon tapissé de bruyères mais dès que nous commençons à prendre de l'altitude, nous sommes cueillis par un vent tumultueux qui arrache son poncho à Dr Tesson et qui nous accompagnera jusqu'à ce qu'on trouve abri au refuge de Waterfall Valley. Ces premières heures de marche nous auront permis de voir... un épais brouillard.

Le lendemain, la troupe repart avec un moral d'acier et les pieds secs pendant la première demi-heure. Heureusement, le soleil nous rattrape et chasse pour un temps des envies de chaleur et de plages de sable blanc en Thailande.

Nous traversons des paysages d'arbustes en fleurs et des fotêts d'eucalyptus qui embaument l'air après la pluie.

Près du refuge de New Pelion, un chat marsupial à queue tachetée se joint à quelques kangourous près de la terrasse pour tenter de glaner quelques miettes. Le matin, une famille de kangourous (pademelons) bronze tranquillement au bord du chemin comme l'on quitte le refuge.

Pour le troisième jour de marche, le paysage se fait plus alpin. Arrivés au col Pelion, nous levons les yeux vers le mont Ossa et comme il est tôt, nous décidons de monter profiter de la vue. Après avoir caché les gros sacs à dos sous des pierres pour les protéger des prédateurs à mi-chemin du sommet, on a l'impression de voler et c'est presque en courant qu'on arrive à la partie sommitale applatie couverte de mousses et de petites fleurs.

Par un chaos de gros blocs couverts de lichen orange, on arrive au bord du plateau et la vue porte jusqu'à Barn Bluff et la si belle Craddle Mountain que le brouillard nous avait dissimulée alors qu'on passait à son pied le premier jour.

Un torrent d'eau glacée à côté du refuge de Kia Ora nous permettra un premier bain que j'accueille avec soulagement : l'odeur de Dr Tesson commençait à éloigner même les wombats les plus endurcis.

Alors que l'on rôti au soleil au refuge de Windy Ridge, après une petite journée à marcher en forêt en découvrant quelques jolies cascades en chemin, un ranger nous explique comment prévoir le temps par la forme des nuages. Ces "queues de juments" (cirrus) que l'on voit dans le ciel annoncent ici la pluie entre 24 et 48 heures.

Mais le lendemain, nous rejoingnons la petite cabane d'Echo Point  et nous séchons au soleil après la baignade dans le lac.

Malheureusement, le ranger avait raison et nous effectuons la dernière partie du trek sous la pluie, ce qui permet à Dr Tesson de rencontrer les sangsues. Ce n'est qu'en nous changeant à l'arrivée que l'on découvre les petits vampires plantés dans nos chairs, gorgés de sang. Aucun progrès à signaler côté bouddhisme : c'est toujours aussi plaisant de voir éclater sous le talon ces petites saloperies, surtout celle que j'ai arrachée à ma carotide.

Quand on a la chance d'avoir le soleil sur la majorité du trajet comme nous, l'Overland Track offre un beau parcours qui permet de retrouver le rythme méditatif de la marche et de faire de belles rencontres.

Comments

[R1]

bah alors, t'as du temps ou t'as retrouvé des photos :-)